L’étude sur les engagements associatifs des femmes issues des migrations subsahariennes dans la métropole lilloise montre que contrairement à de nombreuses idées reçues, ces associations sont fortement impliquées dans la vie locale, malgré leur manque de visibilité. Cette absence d’exposition s’explique en grande partie par la persistance des pouvoirs publics à les percevoir comme étant « fragiles » ou « isolées » et par tout un faisceau de discriminations qui les conduisent à adopter des comportements discrets. Au risque de nourrir les stéréotypes qu’elles subissent.
Cette étude a été réalisée par la Boutique des Sciences Nord de France en partenariat avec le Grdr.
Les femmes sont aujourd’hui majoritaires parmi les personnes originaires de pays subsahariens vivant en France. Elles sont aussi plus diplômées (25% d’entre elles ont suivi des études supérieures contre 16% d’hommes). Elles ont même un niveau d’étude globalement plus élevé que la population française. Mais elles sont aussi 3 fois plus nombreuses à vivre en dessous du seuil de pauvreté et 2 fois plus concernées par le chômage. Quant à celles qui ont un emploi, celui-ci est souvent sous-qualifié par rapport à leur niveau d’étude, puisqu’elles sont généralement cantonnées à des emplois précaires d’aide à la personne ou de nettoyage.
L’étude met en avant que ces inégalités auxquelles elles sont confrontées s’expliquent par un faisceau de discriminations qui se ressent dans leur engagement associatif. En effet, les associations de femmes subsahariennes restent trop souvent sous-valorisées par rapports à leurs homologues masculines. Souvent perçues comme des femmes dépendantes et soumises aux hommes par des stéréotypes culturels réducteurs, les pouvoir publics et la société civile sont pendant de nombreuses années restés engoncés dans une logique peu adaptée « d’assistanat » à leur égard, qui a finalement nourri les préjugés.
Pourtant, l’étude rappelle que les associations de femmes subsahariennes ont clairement investi l’espace public depuis la loi de 1981 qui autorise les ressortissants étrangers à se réunir en association. Elle propose également une typologie permettant de recenser les différentes formes d’engagement associatif de ces femmes. Les 1ères associations étaient principalement orientées vers la défense des droits et la lutte contre les stigmatisations. Elles se sont également largement investies dans des actions de sensibilisation contre l’excision ou les mariages forcés.
Selon des évolutions plus récentes, de plus en plus de femmes s’investissent en faveur de la solidarité internationale, auparavant domaine réservé aux hommes, sur des projets de développement pour leur pays d’origine. D’autres privilégient les associations entrepreneuriales, pour contourner les difficultés d’insertion sur le marché du travail et construire un réseau relationnel qui atténue l’isolement. Pour d’autres, le lien social se reconstruit au sein d’associations culturelles. Mais le modèle prédominant reste celui de l’association de solidarité et de proximité. Elles ont pour objectif de lutter contre l’isolement, de se soutenir mutuellement et investissent également des champs tels que le soutien scolaire ou l’accompagnement des personnes à¢gées.
Les femmes qui s’engagent dans ce tissu associatif sont souvent catégorisées selon leur sexe et leur origine. Une classification réductrice qui ne permet pas de rendre compte des grandes différences qui existent au sein de ce « groupe  ». En effet, si la majorité des femmes engagées sont diplômées et bien insérées, d’autres maîtrisent peu le français et sont peu mobiles, ce qui réduit leur champ des possibles. Il est également souvent difficile de concilier vie professionnelle, vie de famille et vie associative. Surtout quand l’association est dépendante de ressources publiques aux démarches administratives souvent complexes et coà »teuses en temps. Certaines femmes font remarquer que ces financements dépendent souvent d’orientations qui ne sont pas adaptées aux réalités du terrain. Sans compter les fois o๠des associations font l’objet de délégations de service par les institutions publiques mais sans que ne leur soient attribués les moyens nécessaires.
Cette étude met donc en évidence que l’importance et le rôle que joue ce tissu associatif dans la métropole lilloise est souvent sous-estimé et mal compris. D’abord parce que l’expérience associative est un travail d’équipe qui permet de développer des compétences, notamment en matière de gestion ou de communication. Mais aussi parce qu’elles sont un espace de ressources pour les familles immigrées grà¢ce à leur capacité à créer des liens ou des réseaux mobilisables. En ce sens elles sont une réelle aide à l’insertion, d’autant qu’elles facilitent le dénouement de situations d’incompréhension culturelle.
>> Cette étude a été réalisée dans le cadre du programme d’inclusion sociale des femmes immigrées à Lille, Roubaix et Tourcoing