« Les femmes représentent plus de la moitié de l’humanité, donc de toute façon, on ne fera pas sans nous !  » .
Martine Ndiaye en sait long sur les difficultés auxquelles font faces les femmes issues de l’immigration. à‚gée de 64 ans, elle a cumulé le fait d’être une femme, immigrée, seule et vivant en banlieue. Une « triple peine  » qu’elle est parvenue à surmonter. Aujourd’hui secrétaire générale de l’Association RéVEIL, elle accompagne les migrants dans leurs projets entrepreneuriaux et aide à petite échelle les habitants de son quartier.
Un parcours éclectique
Née d’un père sénégalais et d’une mère française, Martine Ndiaye grandit au Sénégal entre deux cultures. A l’à¢ge de 15 ans, elle quitte son pays pour rejoindre la France, o๠elle poursuit ses études. Diplômée d’une école d’infirmière, Martine exerce ce métier pendant une vingtaine d’années. Suite à la naissance de jumeaux, elle quitte son travail et devient mère au foyer. Trois ans après, elle reprend ses études : psychologie, LEA, Management ou encore le CNAM, elle touche à tout et décrit son parcours comme « assez éclectique  ».
D’un statut à un autre
Mère de trois enfants, Martine élève ses enfants seules dans la banlieue du Prés Saint Gervais, située dans le département de la Seine-Saint-Denis. Ne pouvant allier vie professionnelle et vie de famille, elle quitte son travail d’infirmière à la naissance de ses deux derniers nés. Très vite, la difficulté se fait ressentir à tous les points de vue. Hyper active de nature, elle passe du statut de femme active à inactive. Une rude transition qu’elle n’avait jamais vécue auparavant. « Financièrement, c’était compliqué aussi  » alors qu’elle n’avait pas accès aux structures de garde d’enfants et ne pouvait se permettre de payer une nourrice. Pendant ces trois années en tant que mère au foyer, elle voit également sa vie sociale se rétrécir : « on devient très intra quartier, on sort moins, tout se rétrécie  ». Enfermée dans une sorte de bulle, les soucis s’accumulent. « Femme, noire, vivant en banlieue en plus de la mono parentalité, ce n’est pas évident  ». Cependant pour Martine « le plus gros défi, au-delà de la discrimination, de la dévalorisation ou du manque de considération, reste la mono parentalité  ».
Une fibre militante
Issue d’un « parcours plutôt militant  » comme elle l’explique, Martine Ndiaye s’est toujours attachée au « vivre ensemble  ». Dans son quartier déjà , elle se compare à une sorte « d’écrivain publique  », apportant son aide à qui le veut bien. Rédaction de CV, déclaration Pôle Emploi ou écriture de lettres, elle développe diverses activités pour donner un coup de main aux personnes dans le besoin. « Je réponds aux besoins en fonction de ce que je sais faire. Je transmets autour de moi, ça a toujours été mon dada !  ». Rapidement, elle se dirige vers l’associatif o๠elle se charge de l’accompagnement. Elle intègre notamment RéVEIL [1], une association qui contribue à l’insertion socio-économique des personnes fragiles en France et en Afrique. Elle accompagne ses membres et bénéficiaires dans le montage et la réalisation de projets économiques. « J’ai une fibre sociale et militante, c’est pourquoi l’associatif me correspondait le plus. Je m’y sens à ma place et bien dans mes baskets !  ». Aujourd’hui, elle est secrétaire générale de l’association, grà¢ce à laquelle elle monte des projets à travers l’association. Le dernier en date est « Migracop  », un projet d’incubation et d’expérimentation qui a pris la forme de deux coopératives éphémères : une dans le culinaire et une autre dans le textile.
Une voix à faire entendre
« Quand on est seul, ça n’est jamais évident  ». En 2018, Martine rejoint le groupe des 12 participantes au projet REGAL, animé en France par le Grdr et financé par l’Union Européenne. Au sein de ce focus group, chaque femme partage un aspect de sa vie. En ce qui la concerne, c’est la mono parentalité. Elle s’exprime à ce sujet et partage sa propre expérience. « J’avais envie de porter cette voix-là , car ce sont des voix que l’on n’entend jamais  ». En intégrant ce projet, elle a pour volonté d’alerter et d’informer sur la réalité que vivent les femmes et qu’elle-même a vécu. Entourée de ces femmes, Martine découvre alors un espace de partage, de discussion et de convivialité. Ces temps de parole et de réunion lui permettent de prendre du recul sur sa vie et de s’exprimer librement, car « des fois on a juste envie de se plaindre, de dire ce qui ne va pas  ». Ensemble, elles continuent d’échanger des infos et de discuter. Après tout, « c’est dans les collectifs comme ceux-là que des choses se mettent en place  ».
[1] Réseau de Valorisation Économique d’Initiatives Locales des migrants