Du 22 au 25 mai prochain, pour la huitième fois depuis 1979, les citoyens de tous les pays membres de l’Union Européenne vont être appelés aux urnes. Ils devront élire les 751 députés qui les représenteront au parlement de l’UE pour les cinq années à venir. Avec les pouvoirs accrus du Parlement depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, ces élections revêtent une importance particulière et auront sans doute une incidence majeure sur les politiques migratoires et de co-développement de l’Europe et de ses Etats membres.
Seule institution européenne directement élue par les citoyens, le parlement européen n’a cessé d’acquérir de plus en plus de pouvoirs. Devenu co-législateur depuis 2009 aux côtés du Conseil des Ministres (désormais appelé Conseil de l’Union Européenne), il jouera également cette année, pour la 1ère fois, un rôle important dans le processus de nomination du Président de la Commission Européenne. Celui-ci sera proposé par le Conseil des chefs d’Etats des pays membres en fonction de la couleur politique du nouveau parlement, qui aura la possibilité de valider ou de refuser ce choix. Ainsi, la nouvelle assemblée aura des prérogatives importantes dans le processus de nomination du pouvoir exécutif européen et dans la détermination de ses orientations politiques. Peut-être faut-il y voir ici une opportunité de pousser la commission à changer sa doctrine « d’approche globale des migrations et de la mobilité  » , qui conçoit l’aide au développement comme étant essentiellement un moyen de freiner les migrations à destination de l’Europe.
2009 – 2014 une législature parlementaire privilégiant l’approche sécuritaire en matière de gestion des flux migratoires
Au fur et à mesure de l’accroissement de ses compétences, le parlement européen a acquis des pouvoirs de plus en plus importants en matière de gestion des flux migratoires. Par exemple, si les quotas de la migration du travail restent à la discrétion de chaque Etat selon « ses besoins  », c’est l’UE qui détermine la politique générale d’asile et d’attribution des visas de courte durée. Elle est en charge également des modalités de contrôle des personnes qui franchissent les frontières extérieures de l’UE avec la mise en place d’un système de « frontières intelligentes  » (passeports biométriques) et de la lutte contre l’immigration illégale (notamment à travers les moyens militaires de l’agence FRONTEX ou des dispositifs coà »teux comme EUROSUR qui espèrent anticiper de l’autre côté de la frontière les mouvements des migrants grà¢ce à des images satellites).
Ainsi, le Parlement européen a été amené à prendre des décisions très importantes en la matière. Par exemple, en 2008, il a voté la directive dite du « retour  » (également appelée « directive de la honte  » par les associations militantes). Celle-ci autorise les Etats de l’Union qui le souhaitent à priver de libertés pendant 18 mois les migrants en situation illégale, sans autre forme de procès. Elle permet également les expulsions de mineurs et organise la mise en place de « charters communautaires  » malgré l’interdiction des expulsions collectives. Or les directives qui émanent de l’UE doivent être transposées dans le droit de chaque pays membres et s’imposent aux législations nationales. Raison pour laquelle les élections à venir dépassent le simple cadre européen et constituent un évènement important pour le projet politique de tous les citoyens des Etats membres
L’abstention et l’extrême droite, deux menaces qui pèsent sur le projet européen
Les enjeux associés à ces élections sont donc essentiels. D’autant qu’il ne fait aucun doute que les questions migratoires sont au cœur du projet européen à venir. Reste à déterminer si l’Europe souhaite persister dans une approche sécuritaire au détriment des libertés ou plutôt valoriser les migrations comme moyen d’échanges, de solidarité, de développement… et s’inscrire dans la lignée du Dialogue de Haut Niveau sur les migrations internationales et le Développement de l’Assemblée Générale des Nations Unies (3-4 Octobre 2013) .
Pourtant, malgré ces enjeux croissants, les élections européennes attirent peu. A chaque scrutin, le taux d’abstention augmente par rapport à l’échéance précédente. En 2009, il a battu tous les records pour atteindre 57%. Première conséquence de cette faible mobilisation, les partis d’extrême droite semblent les mieux placés pour tirer leur épingle du jeu. Si le scrutin confirme les tendances qui se dégagent des sondages, les partis qui rejettent l’immigration risquent de devenir une force de blocage et d’immobilisme. Autrement dit, l’abstention présente un danger réel, d’autant plus que la France fournit le deuxième plus gros contingent de députés (74) derrière l’Allemagne … Ce qui la met en position de fournir un nombre significatif d’élus du Front National.
POUR ALLER PLUS LOIN :
– Élections européennes, pourquoi voter le 25 mai ? – Rapport EUNOMAD 2012 – Guide de la Cimade pour comprendre les politiques migratoires de l’Europe – Historique de la politique européenne en matière d’asile – Le dernier numéro d’Altermondes ’Elections européennes, et si voter prenait du sens ? ’
Analyses politiques :
– Communiqué de presse de Coordination-Sud :EELV s’engagepour un développement durable, juste et solidaire, l’UMP en retrait – Etude de la fondation Robert Schuman « Vers « une  » extrême droite européenne ? » – Petit résumé du débat européen – Européennes, tous les partis pensent-ils pareils ? – Comparatif rapide des programmes des partis (avec un point n°3 sur l’immigration)