Grdr Migration-Citoyennete-Developpement
Les migrations, une ressource durable pour des territoires solidaires
Bouton menu
Envie de changement...

La crise au Mali par Olivier Le Masson et Mariam Maguiraga

La crise au Mali - Par Olivier Le Masson et Mariam Maguiraga

L’apprentissage de la démocratie n’est jamais évident. Au Sénégal, au Mali, comme en France d’ailleurs, les sondages comme les études d’opinion ou la simple observation révèlent cette profonde envie de changement. Mais elle s’exprime différemment : le plus souvent par des slogans, des programmes et des élections mais parfois plus brutalement par des Coups d’Etat. Au Mali, le 21 mars 2012, à la date anniversaire des 21 ans de la révolte estudiantine qui avait marqué la fin du règne de Moussa Traoré et seulement 5 semaines avant la date du premier tour des élections présidentielles à laquelle le Président sortant avait assuré ne pas se représenter, les mailles de la chaine démocratique ont sauté les unes après les autres. ORTM, Palais présidentiel, leaders politiques, riches commerçants ont été attaqués, pillés et occupés par des militaires « de rang » qui ne supportaient plus les collusions entre leur hiérarchie et les mouvements de rébellion au Nord, la corruption (népotisme, clientélisme) généralisée du plus haut sommet de l’Etat jusqu’à la base et l’« incompétence » des hommes chargés de construire leur avenir commun.

Il est normal de condamner ce putsch et d’abord par principe. De même, a postériori, il l’est tout autant de douter de la faisabilité d’organiser ces élections aux dates indiquées, notamment au Nord avec un mouvement rebelle incontrôlable, sans revendication claire mais allant de victoire en victoire. Les hypothèses d’avenir s’annonçaient sombres et depuis un mois le pays parlait de transition davantage que d’élections. Au final, il est nécessaire et possible de déceler trois lueurs d’espoir dans cette tempête de sable venue obscurcir encore un peu plus l’horizon.

Au niveau de l’information d’abord : « La presse malienne étudiera-t-elle un jour ses responsabilités dans le bordel actuel ? » (Twitter, Fabien Offner, 27 mars). De Montreuil à Bamako en passant par Kayes, tout un chacun a pu s’apercevoir de l’absence totale d’informations fiables sur la situation. Malgré une vingtaine de titres sur la place (presse papier relayée sur www.maliweb.net) et de nombreux sites spécialisés (journaldumali.com, malijet.com), aucune exception ne sort du lot : jusqu’aux traductions de RFI qui semblent à mille lieux du quotidien Bamakois et dont le parti pris relève parfois du répréhensible ! Dès lors, si en étant connecté à Internet, nous pouvions encore croiser les quelques données disponibles. Mais combien de Maliens sont connectés ? Dès lors, les rumeurs et les interprétations circulent rapidement entre les quartiers de Bamako et jusqu’au Foyer de la rue Bara à Montreuil ! Les nouvelles technologies qui ont animé le printemps arabe n’ont pas la même ampleur au Sahel. Il est impératif de réfléchir au rôle des médias qui n’ont définitivement pas les moyens de replacer les choses dans leur contexte et de restituer l’information juste ?

Au niveau de la communauté ouest africaine ensuite : La question du Mali dépasse les frontières de l’Etat. C’est l’histoire de ses relations avec le Niger, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Sénégal qui est interrogée ici. Ainsi que des liens qui unissent le Mali, la Mauritanie et l’Algérie autour de la gestion du Sahara (commerce, trafics, terrorisme). Et enfin, il est question du rapport filial que le Mali entretenait avec la Lybie de Kadhafi et des conséquences collatérales de l’intervention des Nations Unies qui n’ont été ni anticipées ni analysées. La CEDEAO s’est emparée très rapidement de ce problème et en associant la Mauritanie comme l’Algérie (à Abidjan et Dakar). C’est sans nul doute une excellente nouvelle même si les mécanismes ne sont pas encore bien rôdés et les attitudes parfois encore incomprises. Mais les problématiques de coopération transfrontalières, creuset de l’intégration régionale, reviendront rapidement comme des vecteurs de prévention des risques et les conflits et de développement, de savoir vivre-ensemble et de maintien de la paix.

Au niveau du rapport à la citoyenneté enfin : Car contrairement à ce qu’on lit ici ou là, l’intégrité du Mali est l’affaire de tous. La lecture ethnique de l’organisation géographique et sociale du pays est comme d’habitude à courte vue : il apparaît que chaque Malien vit comme un déchirement les évènements au Nord. Le métissage est ancien et les familles entrelacées ont tous un Touarègue, un Maure, un Peul ou un Songhai dans leur arbre généalogique. Les pleurs déchirants entendus dans la cour du GRDR à Bamako le jour de la prise de Kidal (à 2 000 kms, 30 mars) soulignent ces réalités. Et les motifs d’espoir tournent autour de la cohésion sociale : les organisations de la société civiles se sont mobilisées rapidement pour analyser les enjeux et proposer un calendrier de « transition ». Mariam Maguiraga a été déléguée par la plate-forme des ONG de Kayes pour participer avec l’ensemble des représentants des plates-formes régionales du Mali à ce travail à Bamako (29-31 mars). Ces organisations comprennent l’évènement comme une occasion de « reconstruire une société plus égalitaire et solidaire ». Cela prendra du temps car c’est l’ensemble des pratiques de gouvernance qu’il faut renouveler et les hommes et les femmes capables d’atteindre cet objectif sont rares. « Si les Maliens doivent souffrir, ce sera pour assurer des lendemains meilleurs où l’Assemblée nationale sera non plus la marionnette d’une oligarchie mais bien au service du peuple malien ! ». Il a quelques mois, un ami artisan m’avait dit : le pêché originel de la démocratie au Mali date d’Alpha Oumar Konaré qui n’a « jamais appris aux Maliens ce qu’est la démocratie ». Peut-on envisager qu’il s’agit là d’une nouvelle chance que les Maliens s’empresseront de saisir ?

Au final, entre remord et inquiétudes, colère et espoirs, nous avons déjà la satisfaction de voir que la microsociété que le GRDR représente a démontré qu’un monde solidaire est possible  : la mobilisation des équipes, des COS et des membres du CA, les messages d’attention particuliers de Nouakchott à Canchungo, les appels skype de Ziguinchor à Lille, l’accueil des équipes de Bakel et Dakar, la motivation des chauffeurs et enfin la détermination de l’équipe de Kayes à conserver leur volonté d’avancer malgré les évènements est sans nul doute notre meilleur motif d’espoir. D’ailleurs, les principes clefs de l’approche territoriale que nous mettons en place à travers les processus de développement local – mutualisation des savoirs, partage du pouvoir, répartition des richesses – aussi bien que les interdépendances sur le double-espace de la migration trouvent ici un écho définitivement favorable et un terrain d’émancipation sans limites.

Olivier Le Masson - Directeur Afrique, GRDR Mali et Mariam Maguiraga - Coordinatrice de la cellule de Kayes, Mali


Agenda du Grdr
22
juin
Assemblée générale annuelle du Grdr
15
mai
Forum des Ecosystemes du littoral - vers des territoires du littoral ouest africain dynamiques et resilients aux chocs sociopolitico climatiques
14
mai
Forum Normandie - L’accès des séniors immigrés aux dispositifs de droit commun en Seine-Maritime : Enjeux et Perspectives
> voir tout l'agenda
Actualités
Retour sur le festival Mangal en vidéo
Du 23 au 25 novembre 2023, le Festival Mangal, organisé dans le cadre du projet PAP-Bio de l’Union européenne "Gestion des forêts de mangroves du Sénégal au Bénin", a connu un vif succès. Cet événement a permis de sensibiliser le public à la préservation de la biodiversité (...)...
Appel à candidature pour consultance "Définition du cadre stratégique du Grdr"
Dans le cadre de la « définition collective de son futur cadre stratégique 2025-2029 », l’association Grdr Migration-Citoyenneté-Développement a obtenu un soutien du Fonds de renforcement institutionnel et organisationnel (FRIO, Coordination SUD-AFD) pour les OSC, et lance (...)...
Portrait de territoire - Bakel, ville frontière
Située stratégiquement le long du fleuve Sénégal, Bakel a été un acteur clé du commerce colonial, traitant la gomme, le mil et l’or. Aujourd’hui, avec ses vastes plaines inondables, elle se profile comme le grenier de la région de Tambacounda malgré les défis liés à la (...)...

> voir toutes les actualités