La transformation numérique, une source dÂ’inégalités
Depuis 2015, nous assistons à une accélération de la dématérialisation des services publics. DÂ’ici à 2022, 100% des démarches administratives ne devraient se faire plus que par internet, sur des portails numériques dédiés. Dans un rapport paru en janvier 2019, le Défenseur des Droits alerte sur une risque de dématérialisation « à marche forcée  » qui risque de peser sur une partie de la population particulièrement fragile socialement et éloignée du droit commun. Le « baromètre du numérique 2017  » du Centre de recherche pour lÂ’étude et lÂ’observation des conditions de vie constate que si « la digitalisation de la société française se poursuit à un rythme rapide et soutenu  », internet demeure un univers éloigné pour certaines personnes.
LÂ’obligation de se connecter entraine des transformations importantes dans les relations sociales et les échanges avec lÂ’administration. Elle devient même un obstacle majeur dans lÂ’accès aux droits socio-sanitaires, qui accentue les risques pour certaines personnes : les personnes à¢gées, les personnes en grande exclusion et celles issues de lÂ’immigration.
Lutter contre la fracture numérique en accompagnant celles et ceux qui la subissent est devenu un enjeu prioritaire qui nécessite une approche en plusieurs étapes, axée sur lÂ’accueil, la sensibilisation, lÂ’incitation, la formation et la création dÂ’un environnement numérique inclusif.
Une “double peine” pour les seniors immigrées
Les personnes à¢gées immigrées sont particulièrement concernées par cette fracture numérique. Elles font face à des conditions de vie précaires plus difficiles que la population non immigrée du même à¢ge : faible niveau de ressources, vieillissement précoce et problèmes de santé, conditions de logement inadaptées au vieillissement, isolement, maîtrise de la langue française, difficultés dÂ’accès aux droits, etc. Si le passage à la retraite est une période difficile pour tout individu, elle peut engendrer chez certains une perte de revenus. Pour les personnes à¢gées immigrées, le passage à la retraite est souvent une cause supplémentaire de précarisation et de fragilisation. Nombreuses sont celles qui, par manque dÂ’informations, par difficultés de compréhension du système administratif ou par manque de maitrise des outils numériques, renoncent à faire les démarches nécessaires pour obtenir leurs droits. Ces procédures sont souvent complexes et fastidieuses, dÂ’autant plus lorsque lÂ’on ne dispose pas des codes culturels de lÂ’administration française et des organismes sociaux. Enfin, les dispositifs de prise en charge, bien quÂ’existants, sont souvent segmentés par domaines dÂ’intervention et conduisent les individus à multiplier les démarches, et parfois à renoncer à leurs droits.
Le Grdr et la lutte contre la fracture numérique
Depuis 2016, le Grdr expérimente une méthodologie consistant à créer des outils adaptés et à proposer des actions spécifiques destinées aux personnes à¢gées immigrées. Cette démarche a abouti à la mise en place du projet “E-migrés, des séniors connectés”, qui vise à favoriser lÂ’inclusion numérique des séniors immigrés en développant leurs compétences numériques. Elle doit permettre de lutter contre la fracture numérique afin quÂ’elle nÂ’approfondisse pas la fracture sociale, de mieux accéder aux dispositifs socio-sanitaires et de lutter contre lÂ’isolement en leur permettant de mieux sÂ’approprier les outils numériques nécessaires. Ce projet se décline actuellement sur trois territoires de lÂ’Ile-de-France, à Paris (75), en Seine-Saint-Denis (93) et dans le Val-de-Marne (94).