La commune d’Ouonck en Casamance est connue pour son écosystème forestier riche en palmiers à huile (Elaeis guineensis). Cet arbre est essentiel pour les femmes productrices d’huile de palme et de palmiste, puisque cette activité leur procure une source importante de revenus. L’huile est issue de palmiers sauvages intégrés à des massifs agro-forestiers d’une importante biodiversité et non de plantations monoculturales qui se développent ailleurs dans le monde au détriment des ressources forestières. Elle est, contrairement à l’huile raffinée, particulièrement riche en vitamine E et caroténoïdes ce qui en fait un aliment précieux. Mais comme les palmiers sont également utilisés pour leur tronc dans la construction de charpente, et que les vergers d’autres essences (agrumes, anacardiers…) connaissent une extension importante dans la région, le renouvellement de ces palmiers, arbres à croissance lente, pourrait être compromis à terme. Depuis 2 années, le Grdr, avec le soutien de la Fondation Seed et de l’AFD, accompagne des femmes de commune de Ouonck pour les aider à améliorer leur productivité et promouvoir leurs produits sur les marchés. En se fixant pour autre objectif de protéger cet écosystème potentiellement menacé.
Le Groupement d’Intérêt Economique (GIE) de Kadiamor rassemble 9 groupements féminins qui produisent de l’huile de palme et de palmiste dans la commune rurale de Ouonck. En tout, ce GIE regroupe environ 500 femmes (3500 personnes si l’on tient compte de leurs ménages et familles) qui vivent en grande partie de la production de cette huile. Mais une étude de référence réalisée en partenariat avec le département Agroforesterie de l’Université Assane Seck de Ziguinchor a démontré que la production pouvait être améliorée tant en quantité qu’en qualité (toujours en respectant l’environnement) mais aussi que la commercialisation pouvait être optimisée.
Parallèlement, un diagnostic organisationnel a pointé des faiblesses au niveau du GIE et des groupements membres. Pour les corriger, des cahiers de charge ont été élaborés, permettant de clarifier le rôle de chacune au sein du GIE et de planifier équitablement l’utilisation du matériel mis à disposition. Mme Bainding Diedhiou, membre du GIE, témoigne : « Le GIE de Kadiamor est désormais plus fort, plus fonctionnel, plus attractif  ». Dans le même temps, des formations techniques ont permis de mettre en avant l’efficacité du matériel de presse et de concassage qui a été mis à leur disposition. Mme Aminata Sané, elle aussi membre du GIE, constate que « la production d’huile de palme et de palmiste s’est toujours faite de manière traditionnelle, sans machine. Mais depuis que nous avons utilisé la presse, notre production a presque doublé ! ». Des rendements qui ont permis de convaincre les productrices qu’il est nécessaire d’entretenir ce matériel et de l’amortir. D’autant qu’il contribue à baisser de manière très significative la pénibilité du travail, puisqu’il fallait parfois près d’une dizaine d’heures pour traiter manuellement les noix des palmiers contre 2 ou 3 minutes seulement avec des machines adaptées.
Les membres du GIE ont également bénéficié de sessions de formations à la gestion financière, à la comptabilité et aux techniques de détermination des coà »ts et des prix de revient. Désormais, elles sont mieux à même de maîtriser les notions de charges fixes, de charges variables et de déterminer les bénéfices. Aminata Sané explique que « la production d’huile de palme et de palmiste procurait des revenus modestes. Mais depuis l’année dernière, notre chiffre d’affaire a considérablement augmenté. On n’imaginait même pas que litre d’huile de palme pourrait se vendre à 1500 FCFA. A la foire de Dakar nous l’avons même vendu à 2000 FCFA… et on a écoulé toute notre production ! ». La valorisation de cette huile en tant que produit du terroir et le conditionnement du produit expliquent en grande partie le succès de cette opération.
La hausse des charges de production liées, entre autres, à l’amortissement du matériel et au conditionnement du produit a été compensée par une meilleure organisation de la production, une meilleure productivité et une meilleure accessibilité sur les marchés. Au cours de ces deux dernières années, le chiffre d’affaire du GIE a ainsi augmenté de 80%. Des revenus qui profitent directement aux 500 ménages de ces femmes membres du GIE, notamment pour les dépenses sanitaires et éducatives. Mais en réalité c’est l’ensemble de la communauté de Ouonck (10 500 habitants) qui en bénéficie puisqu’une enquête menée dans le cadre du diagnostic organisationnel du GIE a montré qu’une partie des revenus sont redistribués dans les infrastructures locales comme la construction de salles de classe.
Ce résultat a été rendu possible grà¢ce à la participation des acteurs de la région. La Mairie de Ouonck s’est pleinement investie autour du projet de même que l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Mais aussi grà¢ce à la participation des services régionaux de commerce qui ont accompagné ce groupement féminin dans l’obtention de certification (FRA) autorisant la commercialisation sur certains marchés, comme la Foire Agricole Internationale de Dakar. Des services qui se sont également rendus disponibles pour les accompagner dans leurs démarches de recherches de financement et d’accès aux crédits.
La reconnaissance de la qualité et de la typicité de cette huile issue des terroirs de Casamance est aussi un moyen de décourager les coupes d’arbres et de contenir l’extension de vergers. De même, la hausse des revenus liés à une exploitation saine des palmiers sauvage pourrait inciter les usagers et les gestionnaires des palmeraies à préserver cette ressource et faciliter sa régénération.
Car cette dynamique ne pourra être pérennisée que si les palmiers sauvages de la forêt des Kanoulayes sont préservés. Outre les dommages à l’environnement, leur disparition entraînerait une perte de ressources pour les femmes et les familles de cette commune. Or cet écosystème semble être menacé par des facteurs naturels (salinisation des sols, sécheresse, feux de brousses) et l’action anthropique (coupe de bois d’œuvre, etc.). Un dialogue entre usagers de ces palmeraies sauvages, autorités locales, néo-traditionnelles et services déconcentrés de l’Etat a donc été établi en vue de mettre en place une gestion concertée des palmeraies sauvages. L’objectif étant d’établir un cadre de règles communes sur la base d’un consensus qui permette de faire en sorte que la densité des arbres dans cette zone cesse de diminuer.
>> Appui aux femmes de la communauté rurale d’Ouonck dans la production et la commercialisation d’huile de palme